Description
Référence : 31608
CATEL Albert – QUELQUES SOUVENIRS D’ENFANCE (Gâtinais)
ETUDES RÉGIONALES HISTORIQUES & ANECDOTIQUES
1920, format : 120×190, 70 pages, sans ill. broché, dédicace de l’auteur
SOUVENIRS D’ENFANCE
CHAPITRE PREMIER
Les souvenirs d’enfance et de jeunesse, — c’est là un phénomène connu — sont souvent plus vivaces, malgré leur recul dans la succession des années, que les souvenirs de l’âge mûr. Les faits anciens se présentent fréquemment à la mémoire sous la forme d’images aux arêtes nettement découpées ; ceux plus récents sont, la plupart du temps, d’un dessin estompé et nuageux, rappelant le flou des photographies mal venues. Ces faits lointains ne sont pas nécessairement saillants; souvent même ils sont empreints de la plus complète banalité.
Un de mes souvenirs de jadis, peut-être le plus ancien de tous, est, à cet égard, tout à fait caractéristique.
Ma sœur, de vingt ans plus âgée que moi, était mariée depuis trois ans, quand je vins au monde. Comme elle n’avait pas encore d’enfants, à cette époque, je fus gâté chez elle tout autant que chez mes parents. Je me rappelle qu’un jour, à l’occasion d’une féte, elle et son mari se rendaient, du hameau du Petit-Buisson, où ils habitaient alors, à Saint-Germain-Laval. Mon beau-frère m’avait pris à califourchon sur ses épaules (ce que nous appelons, dans notre parler briard a monter en « cheminée »); à un certain moment, il se baissa et, par un geste familier aux gens de la campagne, cueillit une fleurette du chemin, dont il mit la tige dans sa bouche. Est-il un fait plus insignifiant ? Et bien ce geste est resté gravé dans mon esprit avec un relief saisissant, à tel point que, bien que je n’eusse alors que trois ou quatre ans, je pourrais encore indiquer, aujourd’hui, l’endroît précis où il s’est produit.
D’autres faits aussi peu marquants et tout aussi lointains, ou à peu près, ont impressionné mon esprit comme une véritable plaque photographique. Telle est la vision macabre de Boulogne, un ancètre des Bruyant de Salins, que je revois au coin de la cheminée de l’immense cuisine de leur tuilerie. Rhumatisant ou paralytique, je ne sais plus au juste, il était invariablement assis sur son fauteuil à rond de cuir vert et faisait partie de l’agencement de la pièce, comme un meuble familier. Quand il mourut, malgré les soins dont l’entouraît la vieille bonne Catherine, je m’habituai difficilement à sa disparition; il me semblait que la grande cuisine n’était plus à la tuilerie, mais dans un endroit vague et imprécis.
CHAPITRE PREMIER
Les souvenirs d’enfance et de jeunesse, — c’est là un phénomène connu — sont souvent plus vivaces, malgré leur recul dans la succession des années, que les souvenirs de l’âge mûr. Les faits anciens se présentent fréquemment à la mémoire sous la forme d’images aux arêtes nettement découpées ; ceux plus récents sont, la plupart du temps, d’un dessin estompé et nuageux, rappelant le flou des photographies mal venues. Ces faits lointains ne sont pas nécessairement saillants; souvent même ils sont empreints de la plus complète banalité.
Un de mes souvenirs de jadis, peut-être le plus ancien de tous, est, à cet égard, tout à fait caractéristique.
Ma sœur, de vingt ans plus âgée que moi, était mariée depuis trois ans, quand je vins au monde. Comme elle n’avait pas encore d’enfants, à cette époque, je fus gâté chez elle tout autant que chez mes parents. Je me rappelle qu’un jour, à l’occasion d’une féte, elle et son mari se rendaient, du hameau du Petit-Buisson, où ils habitaient alors, à Saint-Germain-Laval. Mon beau-frère m’avait pris à califourchon sur ses épaules (ce que nous appelons, dans notre parler briard a monter en « cheminée »); à un certain moment, il se baissa et, par un geste familier aux gens de la campagne, cueillit une fleurette du chemin, dont il mit la tige dans sa bouche. Est-il un fait plus insignifiant ? Et bien ce geste est resté gravé dans mon esprit avec un relief saisissant, à tel point que, bien que je n’eusse alors que trois ou quatre ans, je pourrais encore indiquer, aujourd’hui, l’endroît précis où il s’est produit.
D’autres faits aussi peu marquants et tout aussi lointains, ou à peu près, ont impressionné mon esprit comme une véritable plaque photographique. Telle est la vision macabre de Boulogne, un ancètre des Bruyant de Salins, que je revois au coin de la cheminée de l’immense cuisine de leur tuilerie. Rhumatisant ou paralytique, je ne sais plus au juste, il était invariablement assis sur son fauteuil à rond de cuir vert et faisait partie de l’agencement de la pièce, comme un meuble familier. Quand il mourut, malgré les soins dont l’entouraît la vieille bonne Catherine, je m’habituai difficilement à sa disparition; il me semblait que la grande cuisine n’était plus à la tuilerie, mais dans un endroit vague et imprécis.
Avis
Il n’y a pas encore d’avis.