Description
Référence : 31897
André SUARNET – Le Hareng sur le pouce
(Au temps de ma mère-grand)
vers 1935, format : 120×190, 174 pages, 5 illustration[s].broché, couverture avec piqures (en l’état)
Le Hareng sur le pouce
(Au temps de ma mère-grand)
15 dessins de Daniel Laborne
PROLOGUE
Derriere moi, semblable à un paysage truqué de cinéma, le village de Sourdun ne doit plus être qu’une toile grise. Je le devine seulement.Trop occupé à faire face à la bourrasque, le nezcourbé vers l’écrou central fixant le guidon de mon vélo, le cou rincé par le déluge, tiré en arrière par es pans de mon vêtement dans lesquels s’engouffrent les rafales, je n’ai guère la possibilité de tourner la tête. Le mois de mars n’est pas toujours clément, chacun sait ça. Le Bon Dieu, qui n’a pas gâté ses créatures au cours du dernier lustre, aurait pu faire l’économie de cette tempête qui arrache tout sur son passage. Cela contrarie surtout l’effort conjugué de mes muscles fémoraux et jambiers qui ne sont pourtant point mangés des mites malgré les restrictions que l’an qui court n’a point manqué d’accentuer.
La route, à peine démolie, est un véritable glacis. Descendant de mes bas anglais qui ont résisté jusqu’ici aux reprises superposées, l’eau du ciel ne craint pas de s’avilir au contact de mes orteils, que je sens clapoter comme canetons en mare au sortir de l’œuf dans mes souliers bas évasés par l’usure. L’herbe, morte, est couchée rase au sol sous la ventée. Les fils télégraphiques vibrent comme feraient des kilomètres de harpes. Je baisse un peu la tête en passant sous la haute tension dont les lourds cintres, soulevés par les couches d’air en furie, ont maintenant leur courbe à l’horizontale. C’est à peine si je dépasse la vitesse des cyclistes démontés qui poussent pédestre- ment leur machine. Mais, c’est un fait, je les double, fier de ma force. Et pourtant la faim hurle en mon estomac creux. La bouche ouverte, je me sens gonfler comme une outre et des poumons et de la panse ; ça me sèche la trachée jusqu’au grand colon et il me semble que je boirais toute la pluie si elle daignait se concentrer en un point accessible à mon gosier.
J’ai fait quatre lieues de route pour essayer de donner quelque raison de subsister à l’affirmation apoléonienne. Sans doute le grand Empereur n’avait jamais eu affaire avec les paysans briards pour oser dire que le mot impossible » n’est pas français. Ou peut-être n’eut-il jamais besoin de les apitoyer. Mon sac tyrolien, dont le cuir rongé par l’usure est rafistolé, d’ersatz de ficelle de lieuse, est désespérément vide. Je ramène tout de même un kilogramme de pommes… Bien sûr, toute règle a son exception qui la confirme, et j’aurais pu aller dans deux ou trois fermes que je connais où je sais trouver de braves gens, mais il ne faut abuser ni des bonnes choses ni des braves gens.
Il pleut. A verse !
Et dire que c’est justement sur cette route qu’un temps pareil me prend ! …
TABLE DES MATIERES
•Prologue : •I. — De Bourgogne en Brie ..•II — La chèvre de Bezalles •III. — Ornithologie •IV. — L’héritage •V. — Le doux légionnaire •VI. — La manœuvre •VII. — L’épi de la Sainte Vierge . .•VIII. — Tendre souvenir •IX. — Histoire de pattes •X. — Le serment •XI — L’ânette •XII. — Le révolutionnaire •XIII. — Avarice •XIV. — Les petits Florentins •XV. — Relativité de la vitesse •XVI. — La Sainte Barbe •XVII. — Qui sent l’épilogue •XVIII. — Pour en finir
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