Léon Bloy – son oeuvre, sa mission

Voici, pour la première fois, sans doute, étudiée avec cette ampleur et cette puissance, la question primordiale de la mission de Léon Bloy. D’autres ont parlé de l’homme, de l’écrivain, de l’artiste. Mais, si l’homme est grand parmi les grands, si l’écrivain est de premier ordre, si l’artiste est incomparable, c’est qu’il était nécessaire que ce champion de la vérité fût armé supérieurement pour soutenir le combat que, seul, pendant quarante ans, il a mené contre le Mensonge et contre l’Erreur. La Force, la Foi, l’Espérance, l’Amour, le don du verbe, l’intuition prophétique, la hauteur de la pensée, l’éclat des images, le rythme et le nombre lui avaient été conférés pour qu’il s’en servît pour Dieu et son Eglise. Léon Bloy n’y a pas failli. Il avait compris que les différentes pièces de son armure, pour somptueuses qu’elles fussent, ne lui avaient pas été données pour la parade.
Tout homme reçoit, en naissant, exactement ce qui lui est nécessaire pour accomplir son rôle dans le plan divin. La liberté consiste à accepter ou à rejeter les dons de Dieu, à les employer à Son service ou à celui du démon. La part de Léon Bloy avait été copieuse et magnifique, parce que Dieu lui avait taillé une rude besogne. Rien ne lui eût été plus facile que d’éluder cette tâche et d’employer à son profit personnel, pour assurer son bonheur terrestre, la richesse de son patrimoine natif. Mais il eût fallu, pour cela, qu’il abusât de la confiance divine. Des âmes étaient prisonnières, dans les ténèbres, en péril, des âmes dont il était responsable, qui attendaient de lui la liberté, la lumière, le salut. Léon Bloy n’hésita pas et son attitude, qui parut si étrange à ses contemporains, ne fut pas autre chose qu’un acte de soumission et d’obéissance à la volonté de Dieu, l’acceptation pure et simple de la mission qui lui était confiée, emploi rigoureusement honnête et fidèle du viatique royal qui lui avait été départi au début de son voyage terrestre. Léon Bloy fut, dans toute la puissance et la beauté du terme, le Loyal Serviteur.
Il était naturel et fatal que ce Chevalier servant d’une Cause de plus en plus abandonnée et méconnue, se heurtât à l’incompréhension et à l’hostilité universelles. On cria au scandale, à l’in justice, à l’outrance, à la méchanceté.