(S.et M.) Des Champions et des Hommes

S’il existe une «exception seine-et-marnaise» c’est assurément celle liée au sport scolaire. Plus que chez ses voisins franciliens ce département, à la fois immense par sa superficie et complexe par sa diversité, bénéficie de cette inestimable tradition transmise au fil du temps, de mains en mains, par des générations d’instituteurs et de professeurs d’éducation physique. Et c’est de cette masse impressionnante de jeunes, qu’ils forment et qu’ils éduquent, qu’émerge naturel- lement une élite. Une élite qui, juste retour des choses, attire ensuite la masse comme un aimant. Ne nous y trompons pas, les deux sont étroitement liés.
La deuxième chance de la Seine-et-Marne c’est de compter dans ses clubs et ses comités, des entraîneurs-animateurs de grande qualité. De ce fait, derrière chaque champion se cachent des hommes et des femmes qui, dans une large mesure, contribuent à transformer la chrysalide en papillon.
Jacques Tribotté, journaliste pendant plus de trente-cinq ans pour la rubrique sportive de l’édition seine-et-marnaise du quotidien «Le Parisien», est sans doute le mieux placé pour retracer et nous faire revivre les cinquante dernières années de sport en Seine-et-Marne.
INTRODUCTION
En 1950 la Seine-et-Marne porte encore, comme dans toute la France, les stigmates de la deuxième guerre mondiale. On est, alors, en pleine période de reconstruction des édifices publics détruits en partie ou complètement. Bien entendu le sport n’est pas la priorité des priorités. Or les installations sportives sont, pour la plupart, en piteux état. Quand il y en a. Heureusement, ici ou là quelques débrouillards trouvent des solutions pratiques. Ainsi, à Melun, on utilise les prisonniers de guerre allemands pour remettre le stade en état et construire de solides tribunes en béton qui tiendront quatre décennies. Et à Fontainebleau c’est la piste en cendrée qui est refaite avec la même main-d’œuvre. On pourrait citer bien d’autres exemples…
Par contre, il y a très peu de gymnases utilisables pour les sports de balle et de salles spécifiques. On se rabat alors sur les préaux des écoles, les anciens manèges à chevaux, les granges et même de vastes greniers qui se transforment comme par enchantement en dojos, en salles d’armes ou de boxe. A Vaires-sur-Marne on utilise le marché couvert pour jouer au basket. En “slalomant” entre les peaux de bananes ou les trognons de choux… Comme, sauf à Courpalay, il n’y a pas de piscines où l’on peut faire de la compétition on se sert allègrement de la Seine, la Marne ou l’Yonne pour disputer des traversées à la nage (Melun, Montereau, Bray-sur-Seine). En jonglant avec les horaires de passage des péniches ou des régates d’aviron. Pour une pratique régulière, ce sont les sports de plein air qui posent le moins de problèmes matériels. Le football et le rugby, bien sûr, ainsi que le cross-country, l’athlétisme, le tennis, le cyclisme, l’équitation, les boules et le tir à l’arc.
Et le sport scolaire dans tout cela ? Détourné, pendant l’occupation allemande, de ses valeurs propres au profit d’un véritable embrigadement des jeunes voulu et conçu par le gouvernement de Vichy, il retourne vite à ses sources. En Seine-et-Marne, département rural, sans doute un peu plus qu’ailleurs. Dans l’enseignement primaire, nombreux sont les instituteurs qui se servent de la formation dispensée à l’école normale de la rue de Belle Ombre à Melun pour convaincre leurs élèves des vertus de l’effort physique. Il en va de même dans le secondaire où les professeurs d’éducation